Humeur Vie de Parent

Notre aventure lactée

D’aussi longtemps que je me souvienne, je crois que j’ai toujours souhaité allaiter. Ma mère, qui nous a nourrit au sein mon frère et moi, m’avait confié un jour que c’étaient des moments uniques et forts. Pour moi, c’était une évidence, la continuité naturelle de la grossesse et de l’accouchement. Cependant, j’étais loin de me douter que notre aventure lactée serait si tumultueuse.

Le commencement de notre aventure lactée à la maternité

J’ai eu la chance de vivre l’accouchement physiologique que j’espérais secrètement sans trop y croire. Raphaël est né en cinq heures au petit matin du lundi 8 mars 2021.

Je me souviens de ce tout petit être coiffé d’un bonnet de fortune qui rampait vers mon sein en ouvrant la bouche. Je le regardais, complètement émerveillée par ce réflexe archaïque.

Une des soignantes m’a demandé d’attendre avant la mise au sein. Je ne comprenais pas pourquoi. Bête et disciplinée, j’ai patienté alors que je voyais mon bébé qui cherchait à téter. Dans ma tête, je me disais que si j’avais eu plus d’expérience et d’assurance, j’aurais fait comme je l’entendais. Je me suis promis de m’écouter à l’avenir.

La mise au sein s’est très bien passée. Raphaël a tout de suite bien têté. Après avoir lu de nombreux témoignages au sujet des freins de langue ou autres, j’étais soulagée. Mon mamelon était un peu douloureux mais je savais que cela allait passer.

J’avais prévu tout ce qu’il fallait dans ma valise de maternité. Entre chaque tétée, j’appliquais ma crème cicatrisante et je glissais mes nacres dans mon soutien gorge.

Je faisais beaucoup de peau à peau et le mettais au sein à la demande. Je disais « oui oui » aux conseils plus ou moins d’un autre âge de certaines soignantes (arrêter la tétée au bout de 20 minutes, le réveiller pour téter en lui passant de l’eau froide sur le visage ou en lui pinçant l’orteil..) mais je tenais ma promesse : m’écouter.

J’ai eu ma montée de lait 72 heures après l’accouchement et nous sommes rentrés tous les trois à la maison le lendemain.

Le retour à la maison

Le retour à la maison s’est fait paisiblement. J’ai senti le baby blues les premiers jours mais j’étais bien entourée. D’abord par Pierre puis par nos parents mais aussi par ma sage femme. Raphaël tétait et dormait beaucoup, sur nous ou dans son cocoona baby. J’adorais sentir son petit corps contre ma poitrine et écouter ses petits soupirs de bien être. La nuit se confondait avec le jour. Nous n’avions pas d’autre rythme que le sien. Nous n’avions qu’à être ses parents.

Comme à la maternité, Pierre m’aidait à le mettre au sein. Il repositionnait le coussin et m’apportait de l’eau quand j’en avais besoin. Cela a duré trois semaines.

Les premières embuches dans notre aventure lactée

Quand Raphaël a eu trois semaines, il a commencé à avoir des coliques, à s’étouffer lors de la tétée puis à avoir un RGO (Reflux Gastro Oesophagien). Tout cela s’est mêlé aux pleurs de décharge le soir et à l’angoisse de la fin de journée. Cela a été le début d’une période extrêmement difficile pour lui et éprouvante pour nous. Jusqu’à ses dix semaines, il pleurait ou chouinait en continu la journée et hurlait entre trois et cinq heures tous les soirs. Il ne dormait plus que sur nous.

Nous avons eu l’impression d’avoir tout essayé : portage, ballon, emmaillotage, bruits blancs, julep gommeux, probiotiques, phytothérapie, ostéopathie… certaines choses l’apaisaient mais c’était temporaire. Je me souviens même lui avoir donné un bain en pleine nuit pour le calmer car il se sentait bien dans l’eau. Il a hurlé à la sortie du bain.

Finalement, à part l’accompagner du mieux possible en le berçant, il n’y avait pas grand chose à faire. Mais que c’était difficile ! Plusieurs fois, je pleurais en même temps que lui.

Dans ces moments, il cherchait à téter mais il n’arrivait pas à prendre mon sein ou alors le lait venait trop fort et repoussait mon sein de sa minuscule main en hurlant de plus belle.

Dix premières semaines extrêmement difficiles

Je crois que c’est la période de notre vie de couple où nous nous sommes le plus disputés. Le sujet qui revenait le plus sur le tapis était l’allaitement. Pierre y a vu la cause de tous les maux de notre bébé. Il militait pour qu’on le passe au biberon. J’ai tenu bon car pour moi, le passer à un lait artificiel n’aurait fait qu’empirer ses coliques et son RGO. De plus, cet allaitement me tenait à coeur.

J’ai eu la chance à ce moment là de pouvoir compter sur d’autres femmes. Des amies proches, des copines, des connaissances mais aussi et surtout ma consultante en lactation. Sans elles, je ne sais pas si j’aurais pu allaiter pendant presque six mois. Par message, au téléphone, en présentiel, elles ont été d’un soutien sans faille et je ne peux que les remercier. Marion, Angèle, Anna-Lou, Lidia, Laureen, Margot, Julie, Asmae si vous passez par là… merci du plus profond du coeur !

Ma consultante en lactation m’a diagnostiqué un REF (réflexe d’éjection fort) et une surlactation. Elle m’a conseillé d’arrêter les aliments galactogènes et les tisanes d’allaitement. J’ai également écarté le soja en plus des produits laitiers de mon alimentation car ils sont potentiellement facteurs des coliques de bébé.

Je devais mettre Raphaël en position Biological Nurturing pour la tétée, le nourrir sur un même sein pendant plusieurs heures puis exprimer un peu mon lait manuellement avant de passer à l’autre, espacer les tétées pour ne pas entretenir son RGO …

J’ai donc passé presque deux mois à composer avec tout ça, seule, et à me retrouver régulièrement trempée car mon autre sein coulait lorsque j’allaitais mon bébé. J’étais bien loin de l’idée que je me faisais de l’allaitement.

Une aventure lactée douce et fluide

Et puis, un jour tout a commencé à s’apaiser. Je me souviens que les pleurs de décharge ont commencé à diminuer vers ses dix semaines. A trois mois, avec la maturité digestive et l’espacement des tétées, ses coliques et son reflux ont cessé. Ma lactation s’est également régulée. J’avais toujours mon REF mais il était bien moins fort et Raphaël avait appris à le gérer. Parfois il tétait et s’écartait quand le lait arrivait trop fort. Nous étions trempés tous les deux mais plus de pleurs, plus d’étouffements et c’était le plus important à mes yeux.

Les tétées étaient devenues de doux moments de câlins. C’était simple, facile et cela me rendait heureuse.

J’étais partie pour allaiter seulement trois mois. Maintenant que notre aventure lactée était enfin devenue douce et fluide, il était hors de question pour moi d’arrêter.

Pierre continuait de m’envoyer des piques sur l’allaitement mais il ne s’y opposait plus frontalement. Moi j’avais décidé de mener ma barque seule. J’aimais allaiter, j’étais fière de nourrir mon enfant. C’était aussi un lien très puissant. J’avais le sentiment d’être connecté à lui, de savoir ce dont il avait besoin avant même qu’il ne l’exprime. Je me surprenais même à envisager d’allaiter jusqu’à un an.

A côté de cela, j’avais aussi besoin de retrouver du temps pour moi. Je saturais d’être à la maison et de passer mes journées à gérer bébé et les tâches ménagères. Mais les quelques fois où je m’absentais pour faire quelque chose pour moi, Raphaël était ingérable. Il refusait catégoriquement le biberon et ne faisait que pleurer. Pierre a pris sur lui plusieurs fois pour que j’ai une soupape de décompression mais cela devenait ingérable pour lui. Il m’a demandé de choisir entre passer plus de deux heures hors de la maison ou arrêter d’allaiter. J’ai sacrifié ces petits temps à moi sur l’autel du lait maternel.

Je crois que c’est à ce moment là que j’ai commencé à ressentir de l’ambivalence. J’éprouvais le besoin de me retrouver seule (ce qui n’était pas possible) et en même temps je ne voulais pas penser au sevrage.

La nuit où tout a basculé

Le fait que Raphaël refuse le biberon a commencé à me stresser. La reprise du travail (et donc les débuts chez la nounou) approchait et j’étais de plus en plus préoccupée. Nous avons donc commencé la diversification alimentaire à quatre mois et demi dans l’espoir qu’il accepte au moins ses petits pots chez la nounou.

Bébé a tout de suite adoré manger à la cuillère mais il ne voulait toujours pas de biberon et n’arrivait pas à boire à la tasse.

Deux autres questionnements venaient à moi : pourrais je tirer mon lait au travail (même si c’est la loi avec le rythme que je connaissais bien je voyais mal comment cela pourrait être possible) et est ce que j’arriverais à tenir avec la fatigue.

En effet, à cinq mois Raphaël continuait de téter plusieurs fois par nuit et j’étais épuisée. Les jours où j’étais fatiguée et où j’oubliais de m’hydrater suffisamment, j’avais peu de lait. C’étaient ces nuits là où j’aurais eu le plus besoin de dormir que Raphaël me réveillait le plus pour téter (le bébé stimule la lactation la nuit). Le soir, quand je touchais ma poitrine, je savais quelle type de nuit j’allais passer.

Pierre en profitait pour me glisser « s’il était au biberon, il ferait déjà ses nuits ». Je savais que ce n’était ni vrai ni faux. La plupart des bébés au biberon font leurs nuits plus tôt mais ça ne veut pas dire qu’en sevrant un enfant il ne se réveillera pas. Il n’empêche que ma fatigue physique et mentale me susurrait également « et si…? ».

La fin de notre aventure lactée

J’ai pris ma décision une nuit où Pierre était de garde.

Il était 3h du matin. Depuis 22h, Raphaël demandait à téter toutes les heures. Quand je l’ai entendu grogner dans son cododo (signe qu’il voulait téter), je me suis énervée et je l’ai « grondé ». Ça était un déclic ! J’ai compris qu’il n’avait pas besoin d’une maman qui le gronde car il veut juste boire. J’ai compris que j’étais allée au bout de moi même. 

Cette fameuse nuit où j’ai eu le déclic, j’ai décidé de faire passer au 100% biberon d’un coup. Et surtout, je voulais le faire moi même pour pouvoir lui expliquer et l’accompagner dans cette transition. Cela a était très dur pendant 24 heures. Il pleurait une heure avant de prendre chaque biberon. Je le gardais dans mes bras, lui expliquais pourquoi. Verbaliser m’a fait un bien fou. Au bout d’une heure, il finissait pas prendre le biberon et s’endormir d’épuisement.

Et puis au bout de 24 heures, il l’a pris d’un coup sans râler. Dans ma tête cela se bousculait. J’étais à la fois soulagée qu’il accepte le biberon, incrédule sur la rapidité à laquelle il s’y était fait, un peu vexée qu’il préfère aussi vite un machin en plastique aux seins de sa mère et triste, très triste d’assister à la fin de notre aventure lactée.

Cela m’a semblé bien plus dur pour moi. Je l’ai vécu comme un deuil et j’ai pleuré pendant 48 heures. 

Deux jours après le sevrage, j’ai eu envie de lui donner une dernière tétée le soir avant qu’il s’endorme. Il a tété longtemps et doucement puis s’est endormi de bien être. C’était un merveilleux moment et j’en ai encore les larmes aux yeux même des mois après. Cela a clôturé notre jolie histoire lactée et le lendemain matin, je suis enfin sentie en paix avec cette décision. 

Comment j’ai arrêté ma lactation

Pour ma lactation, cela a été aussi un peu compliqué. Je vous déconseille de faire cela car j’aurais pu avoir un engorgement ou une mastite. Les jours suivants le sevrage, je tirais un peu mon lait pour me soulager (juste quelques minutes et jamais un tirage total), je massais mes seins sous l’eau chaude, j’ai pris de l’homéopathie prescrit par une sage femme et j’ai beaucoup mangé de persil (genre une demie botte par jour) et de menthe.

Mes seins ont été très douloureux mais mes tirages se sont espacés. Je suis passée à quatre tirages puis trois puis deux au fil des jours. Au bout d’un peu plus d’une semaine je ne tirais qu’une fois par jour. Je crois que j’ai complètement arrêté de tirer au bout de trois semaines.

Le mot de la fin

Aujourd’hui, j’éprouve parfois de la nostalgie en repensant à mon allaitement. Je me remémore aussi les raisons du sevrage et je me sens en paix avec cette décision.

J’ai mis du temps à écrire cet article car j’avais peur d’être jugée, peur qu’on pense de moi que je suis une mauvaise mère. Mais qui sommes nous pour juger les autres ?

Je ne pense pas me tromper en avançant que mon témoignage sera essentiellement lu par des mamans. Alors je clôturerais ce récit avec ce message. Certains allaitements se passent très bien dès le début et tant mieux. Toutefois si vous allaitez, que cela vous tient à coeur mais que vous rencontrez des difficultés, n’hésitez pas à demander de l’aide.

Prenez soin de vous

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3 Comments

  • Reply
    Comment nous avons choisi notre porte bébé physiologique - L'ananas blonde
    30 mai 2022 at 15 03 26 05265

    […] la naissance et n’a pas besoin d’extension pour nourrisson. A l’époque de notre aventure lactée, c’était aussi très facile pour moi d’allaiter notre fils en […]

  • Reply
    Ben
    13 janvier 2022 at 12 12 02 01021

    Bonjour,
    Témoignage très intéressant à lire, merci ! 🙂
    Finalement, la fin de votre aventure lactée a-t’elle coïncidé avec des nuits plus longues et sans interruption ? Si oui, penses-tu que cela a un lien ?
    Merci et bonne journée 🙂

    • Reply
      lananasblonde
      21 janvier 2022 at 11 11 42 01421

      Bonjour Ben,
      Il y a eu beaucoup de changements sur 15 jours pour bébé : sevrage, arrêt du cododo et début chez la nounou. Est ce l’un de ces 3 facteurs ou une combinaison des 3 qui a fait que Raphaël a fait de plus longues nuits ? Je ne saurais dire.
      Très belle journée également
      Pauline

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